Zéphyrine — Les larmes des femmes sont des fontaines de malice.

C'est la Californie qui m'a vu naître, il y a trente ans. Je n'étais pas issue d'une richissime famille, mais je faisais avec. J'avais une soeur aînée, de six ans plus âgée que moi. Ce n'était pas le bonheur, mais aucune famille n'est parfaite. Notre mère était dépendante à la cocaïne et notre père incarcéré bien avant ma venue au monde. Si je ne sue ce qu'il avait fait pour mériter le bagne, je peux maintenant le deviner aisément.

A sa sortie de prison, ma mère le laissa revenir à l'appartement où nous vivions. Ma soeur faisait toujours en sorte de ne jamais rester seule avec lui et moi, bien trop petite, je ne comprenais pas ce qu'il se passait. C'est quand j'eus une petite dizaine d'années que je tombais dans l'enfer d'une violence muette et aveugle. Je ne disais rien à personne, puisque ma mère laissait faire, pour moi c'est que la situation devait être normale. Pourtant, c'était loin de l'être et je le compris que trop tard. Le drame eut lieu quelques mois plus tard. Ma soeur rentrant de cours plus tôt que d'habitude, surpris notre père s'en prenant une nouvelle fois à moi. Elle tenta d'intervenir, mais ce fut la dernière chose qu'elle put faire. Dans un geste plutôt violent, le paternel la fit tomber tête la première contre la table basse. Je n'étais alors qu'une jeune adolescente lorsque j'ai vu ma soeur mourir sous mes yeux. Par peur, je me suis enfuie et j'ai été repêchée par la police. Traumatisée, je n'avais plus dis un seul mot depuis le drame. C'est dans un institut pour jeunes en difficulté que je fus placée durant quelques années, avant de finir par vouloir vivre de ma passion : la musique.

Mes parents et plus particulièrement mon père, étaient à ma recherche. Craignant pour ma vie, je ne restais pas en place très longtemps. Toujours sur mes gardes, je trainais avec des drogués, sans avoir vraiment d'endroit où vivre. Pourtant, je ne me laissais pas tenter à planer avec eux, rêvant à une vie meilleure.

Un soir d'intempéries, alors qu'il pleuvait à cordes, je m'étais laissée enfermer dans la bibliothèque du coin. Ne sachant pas vraiment quoi faire, j'observais les petites annonces sur internet, tombant sur quelque chose qui me permis de rêver d'évasion l'espace d'un instant. Un homme recherchait une fille au pair pour s'occuper de son fils de trois ans dans un endroit très éloigné de la Californie. Effectivement, il s'agissait de Londres en Europe, on pouvait difficilement faire plus éloigné. Je ne sautais pourtant pas sur l'occasion de suite, sachant que je n'avais pas les finances nécessaires pour prendre un avion jusque là. A la place, je me mis à enchainer des petits boulots très mal payés. Je devais me nourrir et mettre de l'argent de côté. Ca me semblait si difficile. Mais en m'entendant chanter après la fermeture du bar dans lequel je travaillais comme serveuse, mon employeur me demanda de me produire le lendemain. Le groupe local ayant décommandé à la dernière minute, il lui fallait trouver un remplaçant. Ou en l'occurrence une remplaçante. Je pouvais enfin toucher mon rêve du bout des doigts et finalement, je fus invitée à me produire dans plusieurs bars du coin. Mettant davantage d'argent de côté, je pris ensuite l'avion pour l'Europe et plus précisément Londres. Sans même savoir si la place était encore vacante, j'entrepris de contacter la personne qui avait placé l'annonce. Je venais de gagner l'opportunité de commencer une nouvelle vie dans un endroit loin de mon chez moi natal.

Après quelques mois de travail, bien qu'au départ je ne savais pas trop m'y prendre avec l'enfant, je me fis une place dans cette petite famille sans vraiment le vouloir. C'est de cette façon que celui qui fut mon employeur est aujourd'hui mon époux. J'ai recommencé à vivre grâce à lui et j'ai finalement réussi par avoir la boutique d'instruments de musique dont je rêvais tant.